EPERNAY : VILLE DE L'ARRIERE-FRONT

 

Lorsque l'on pense à la Première Guerre mondiale et au département de la Marne, on pense à Reims qui se situait juste sur la ligne de front et qui fut détruite en très grande partie. Cet évènement, aussi dramatique soit-il, masque à la mémoire collective le martyr d'autres villes et villages de la Marne. Epernay en fait partie.

 

UNE VILLE PROCHE DES COMBATS

Un mois seulement après le début du conflit, la capitale du Champagne subit l'occupation allemande pendant une semaine (du 4 au 11 septembre 1914). La vie des habitants et des élus va être marquée par les exigences de l'Occupant (ex. : amende de guerre de 176 550 frs soit plus de 583 000 euros année 2012 selon le convertisseur INSEE) et par la crainte qu'il impose (ex. : menace de raser les maisons de la partie droite d'une rue).

La contre-offensive française repoussera les troupes allemandes le 11 Septembre 1914. Pourtant la ligne de front se stabilisera dès le 19 septembre 1914 à seulement 30 km au Nord de la ville. Les positions des armées ne bougeront alors plus jusqu'en mai 1918. Epernay devient alors une ville d'arrière-front. Elle va servir de ville de repli pour les populations belges, ardennaises et rémoises. La ville d’Epernay doit prendre soin de ces personnes avant de les évacuer plus au Sud.

Surtout, elle devient une ville hospitalière. Les soldats blessés sont rapatriés sur Epernay qui devient un grand centre sanitaire et médical. Le seul Hôpital Auban-Moët ne suffit plus et les autorités doivent ouvrir des hôpitaux secondaires et complémentaires. On réquisitionne certaines maisons ou certains établissements comme le collège de jeunes filles que l'on nomme l'Institution Notre-Dame (actuel collège Notre-Dame Saint-Victor). Un HoE (Hôpital d’évacuation) sera installé sur la route de Cumières aux abords de la voie ferrées aux confins Nord-Ouest de la ville afin d’évacuer les soldats blessés.

 

DES PERSONNALITÉS D'EXCEPTION

Certaines personnalités sparnaciennes vont se transcender dans un contexte aussi particulier. On peut évoquer, entre autres, le Docteur VERRON qui sortira de sa retraite pour aider à soigner les corps blessés (amis et ennemis). Il fera, malgré lui, polémique quant à la restitution de l’amende de guerre par l’Occupant. On peut également citer le Docteur AMSELLE qui réorganisera le service sanitaire afin de gagner en efficacité.

Mais dans cette ville hospitalière, outre les médecins, d’autres personnes ont été exceptionnelles comme Maurice POL-ROGER. Il a été élu maire de la ville en 1912 et va devoir administrer une ville d’arrière-front en temps de guerre. Il va faire preuve de sang-froid et de courage face à l’Occupant au début du conflit. Son caractère bien trempé va également lui faire défendre les intérêts de sa ville et de ses administrés malgré les critiques. Son opposition (allant jusqu’au duel à l’épée) avec le Préfet de la Marne André CHAPRON témoigne de l’engagement de ce maire de terrain pour sa ville.

 

UNE VILLE AUX INTÉRÊTS STRATEGIQUES ?

On comprendra facilement qu'avec un tel afflux de civils et de soldats (valides ou blessés), la gare devienne un point stratégique important. Elle permet en outre de relier cette partie du front à Paris selon un axe Est-Ouest. Les troupes allemandes comprennent vite le rôle des infrastructures de la ville puisqu'elles font sauter le pont de la Marne (axe Nord-Sud) avant de la quitter afin de ralentir la marche des troupes françaises.

La ville d’Epernay dispose également de deux casernes militaires qui seront occupées au gré des allées et venues des soldats français : les casernes Margueritte et Abbé. Ces lieux militaires sont complétés par un atelier de camouflage se situant le long de la rue du Commerce, actuelle Avenue de Champagne. Autant de cibles à atteindre par l'ennemi.

 

UNE VILLE SOUS LE FEU DE L'ENNEMI

En plus de ces cibles stratégiques, l'armée allemande pense, que le Quartier général de la 5 ème armée se trouve à Epernay. Il se situe en fait à Ville-en-Tardenois. Cette fausse information va pourtant être lourde de conséquences pour la ville puisque elle recevra entre 1914 et 1918 presque 700 bombes et 1 800 obus sur une grande partie Nord de la ville. Ces attaques aériennes et par canons seront plus intenses encore entre 1916 et 1918. En juin 1918, la ville, qui comptait 21 811 habitants en 1911, est passé à 2 000 habitants.

 

FAUSSE INFORMATION OU FAUSSE INTERPRETATION ?

En fait, l'information de l'armée allemande était partiellement fausse. Certes le Quartier général de la 5 ème armée n'a jamais été stationné à Epernay mais la ville a par contre accueilli entre le 6 Août 1915 et la fin du mois d'avril 1916 le Quartier général du Groupe d'Armée du Centre (GAC) (source http://www.carto1418.fr).

Les groupes d’armées sont un ensemble d'armées dont les opérations sont liées entre elles par un Général en Chef. Ils ont été créé par un décret d’octobre 1913. Le GAC sera commandé par le Général Edouard de CASTELNAU puis, à partir du 11 décembre 1915, par le général Fernand de LANGLE de CARY.

Le Quartier Général du GAC était auparavant stationné à Château-Thierry puis se déplace à Epernay en préparation de la Seconde Bataille de Champagne (25 Septembre au 9 Octobre 1915). On constate d'ailleurs qu’Epernay est ensuite délaissée lorsque les bombardements sur la ville deviennent trop intensifs à partir d'Avril 1916.

M. Grégory de GOSTOWSKI